En cette crise sanitaire causée par le coronavirus, les
droits et libertés du citoyen sont confinés à un petit espace. L’isolement
derrière des portes fermées représente un risque que certains briment les
droits d’autrui. Il est donc primordial pour chacun et chacune d’entre nous de
s’informer de nos droits et de les faire respecter. Ceci est particulièrement vrai
pour nos besoins essentiels, tel que le logement. Si vous êtes locataire ou
propriétaire, cet article est pour vous.
Qu’arrive-t-il
à mon dossier à la Régie du Logement durant l’urgence sanitaire due au COVID
19?
Si votre dossier avait une audience prévue dans les
prochaines semaines, elle est annulée et sera reportée à une autre date. Toutes
les audiences sont suspendues jusqu’à nouvel ordre, avec quelques rares
exceptions de dossiers mettant en cause la santé et la sécurité ainsi que les
dossiers d’accès au logement.
Pour connaître l’état de votre dossier, vous pouvez consulter
votre dossier en ligne ou contacter la Régie du Logement par téléphone (leurs
bureaux physiques sont fermés).
Si votre dossier n’a pas de date d’audience prévue à
l’horaire, vous pouvez suivre l’évolution de votre dossier en ligne et le
compléter en y déposant preuves et arguments.
Si vous souhaitez faire une demande d’urgence à la Régie du
Logement, consulter un(e) avocat(e) permettrait de maximiser vos chances que la
Régie accepte d’entendre votre cause malgré la suspension des audiences.
Le Tribunal de la Régie du Logement a rendu une
décision sur ma situation récemment, est-ce que le COVID-19 change le jugement?
À priori, non. Toutefois, il y a quelques exceptions.
S’il s’agit d’un jugement ordonnant l’éviction ou l’expulsion
du locataire, il est suspendu et le locataire ne peut pas être tenu de quitter
les lieux. Le propriétaire peut déposer une demande en ligne auprès du Tribunal
pour demander que l’éviction ou l’expulsion ait lieu malgré la crise du COVID-19.
Toutefois, le locataire peut contester cette demande. Le propriétaire aura
alors le fardeau de prouver que l’éviction ou l’expulsion doit prendre place
pour des raisons de santé et/ou de sécurité.
On peut penser, par exemple, au propriétaire âgé de plus de
70 ans qui a obtenu une ordonnance d’éviction ou d’expulsion afin d’habiter
lui-même ou elle-même le logement pour s’y confiner.
Veuillez noter qu’en vertu de l’article 112 de la Loi sur
la Régie du Logement et de l’article 62 du Code de procédure civile,
une partie qui ne respecte pas un jugement du Tribunal peut être déclarée
coupable d’outrage au tribunal, et se voir imposer à titre punitif une amende
allant jusqu’à 10 000$, ou 100 000$ pour les compagnies et
associations.
Je dois me trouver un locataire / un colocataire,
est-ce possible?
Le gouvernement du Québec a fortement déconseillé les visites
de logement, mais ne l’a pas interdit en date du 26 mars 2020. Les visites
virtuelles, par vidéoconférence, sont à prioriser, et les visites en personne
devraient respecter les directives de santé, notamment :
- Désinfecter les lieux avant la première visite
- Planifier le moins de visites possibles
- Distancer les visites dans l’horaire
- Garder les visites aussi courtes que possibles
- N’accorder qu’un seul visiteur à la fois
- Garder une distance de 2 mètres entre individus
- Désinfecter les lieux, notamment les poignées de
porte, après la visite
- S’informer sur la conformité du visiteur avec les
directives gouvernementales des dernières semaines
Je dois me trouver un logement, est-ce possible?
Similairement à la question ci-dessus, les visites de
logement ne sont pas interdites, mais fortement déconseillées. Les mêmes
mesures préventives devraient être prises :
- Prioriser les visites virtuelles par
vidéoconférence par exemple
- S’informer de la conformité des occupants actuels
ou précédents envers les directives gouvernementales sur le COVID-19
- Demander à ce que les lieux soient désinfectés
avant votre visite
- Demander à ce qu’une seule personne soit présente
pour présenter le logement
Avant de visiter ou de choisir un logement, plusieurs
questions se posent : ce logement présente-t-il un risque pour ma santé?
Qui y a logé avant moi? Combien de personnes? Ont-ils voyagé à l’extérieur du
pays ces dernières semaines? Sont-ils entrés en contact avec des gens susceptibles
de porter le COVID-19? Ont-ils observé les directives gouvernementales depuis
le début de la crise? Le logement a-t-il été désinfecté depuis le départ du
dernier locataire?
Mon logement est une menace sérieuse pour ma
santé et ma sécurité, quels sont mes droits?
Pour ceux et celles à la recherche d’un logement, sachez que
l’article 1914 du Code civil du Québec vous permet de refuser de prendre
possession d’un logement et de résilier le bail si le logement est impropre à
l’habitation.
Similairement, les articles 1915, 1918 et 1972 du Code
civil du Québec prévoient qu’un locataire dans un logement impropre à
l’habitation peut :
- Demander au propriétaire d’accomplir ses
obligations envers l’état du logement;
- Résilier le bail;
- Abandonner le logement;
- Être dispensé de payer le loyer pour la période
durant laquelle le logement est impropre à l’habitation
En d’autres mots, le contexte actuel de crise pandémique
pourrait faire en sorte que votre logement est impropre à l’habitation si des
circonstances reliées au COVID-19 menacent sérieusement votre santé et sécurité.
Attention : toute crainte pour votre santé due
au COVID-19 ne signifie pas que votre logement est impropre à l’habitation. L’article 1913 du Code civil du Québec indique qu’un
logement impropre à l’habitation est celui « dont l’état constitue une
menace sérieuse pour la santé ou
la sécurité des occupants ou du public, ou celui qui a été déclaré tel par le
tribunal ou par l’autorité compétente. » Il est intéressant de noter ici
que les notions de « menace pour le public » et « d’autorité
compétente » font écho avec les mesures et directives gouvernementales sur
le COVID-19.
Les tribunaux n’ont pas eu l’opportunité jusqu’à maintenant de
déterminer quelles circonstances reliées au COVID-19 signifient qu’un logement
est impropre à l’habitation. L’application de la loi n’étant pas claire, consulter un(e) avocat(e) serait judicieux si vous croyez votre
logement impropre à l’habitation.
Si les bureaux de la Régie du Logement sont
fermés et les audiences suspendues, comment faire valoir mes droits?
Le Québec est « en pause », mais la loi ne l’est
pas. Vos droits et obligations juridiques ont encore leur pleine force, et sont
peut-être même renforcés de par les difficultés que cause le COVID-19 à tous et
à toutes.
Il y a plusieurs façons de conserver vos droits en ces temps
difficiles, notamment :
- Vous informer de vos droits auprès de sources
fiables tel un(e) avocat(e)
- Faire rédiger par un(e) avocat(e) une mise en
demeure ou un avis légal
- Négocier une entente à l’amiable avec la partie
adverse
- Mandater un(e) avocat(e) pour négocier une
entente à l’amiable
- Préparer ou compléter votre demande pour le
Tribunal de la Régie du Logement (préparer votre dossier plutôt qu’attendre
permettra de déposer rapidement votre demande auprès du Tribunal, et ainsi
devancer l’achalandage qui sera vraisemblablement causé par la réouverture des
audiences)
- Faire rédiger par un(e) avocat(e) une
reconnaissance de dette pour votre locataire
La grande majorité des litiges au Québec avant l’avènement du
COVID-19 étaient réglés sans l’intervention des tribunaux. La suspension des
audiences n’est donc pas un empêchement à régler les différends hors cours comme
avant le COVID-19.
De plus, les nouvelles lois et directives des gouvernements provinciaux
et fédéraux peuvent aider grandement aux propriétaires et aux locataires en
conflit à trouver une entente.
On peut mentionner, à titre d’exemple, la Prestation
canadienne d’urgence, le programme d’aide temporaire aux travailleurs, le
report par les grandes banques des paiements d’hypothèque pour les
propriétaires, ou encore le Premier Ministre Legault qui a récemment exhorté
les propriétaires à faire preuve de compréhension et d’ouverture envers les locataires
et leur difficulté à payer un loyer.
Les recours légaux suggérés ci-haut pourraient vous aider à
régler des conflits tels que:
- L’incapacité du locataire à payer le loyer
- Les comportements d’un locataire, propriétaire ou
colocataire qui est contraire aux directives gouvernementales sur le COVID-19
- La salubrité d’un logement
- Les modalités ou le prolongement d’un bail
- La recherche d’un nouveau colocataire
- Un comportement d’harcèlement du propriétaire
- Le droit d’accès du propriétaire au logement
- Le locataire qui veut reprendre le logement d’un
sous-locataire
Si vous êtes touché par les problématiques de logement ci-haut mentionnées, ou encore avez des questions quant à vos droits et obligations en cette période de crise, les avocat(e)s de Neolegal sont là pour vous assister.
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Merci à Pierre-Luc Fréchette d’avoir rédigé cet article.